Jeudi 15 mars, à la médiathèque sud, les élèves de 4èB et d'Anne Frank ont rencontré l'auteur de Johnny, Martine Pouchain, qui a gentiment répondu à toutes leurs questions.
Extraits :
"Un titre de livre met parfois du temps à s'imposer; c'est une affaire de maturation, de sédimentation, de recul. Je n'ai pas de thèmes de prédilection. J'écris une histoire, je laisse aux lecteurs le soin d'extraire le thème et de l'investir de leur propre vécu ou questionnement. D'ailleurs parmi la vingtaine de livres que j'ai écrits, se trouvent des polars médiévaux, des romans de science-fiction, des romans sociaux ....Je suis assez éclectique et libre de mes choix. Ainsi, je n'écris jamais sur commande. Je dois avouer que le stress et la contrainte sont antiproductifs chez moi."
"J'ai toujours beaucoup écrit depuis l'enfance. Ecrire, c'était mon passe-temps préféré. Cette aptitude, je l'ai développée avec les années. Mais je n'avais pas l'idée de devenir écrivain. Et j'ai exercé plusieurs métiers avant de pouvoir en vivre."
"Ecrire un roman, c'est être libre. Mais cela ne signifie pas être tout puissant, avoir tous les droits, n'avoir aucune limite. Alors non, Aimé, pour répondre à ta question, écrire, ce n'est pas partir en free, c'est servir l'histoire et ses personnages de la meilleure façon possible, c'est avoir le souci de l'efficacité, limiter ses épanchements égotistes, respecter un plan, une structure, c'est, pour citer Boileau, vingt fois sur le métier remettre son ouvrage(une page imprimée représente 20 à 30 brouillons manuscrits, virtuels cependant, parce que je travaille directement sur ordinateur), s'autocensurer parfois quand le récit exige nuances, émotion et suggestion, voire sacrifier un personnage. Ecrire, c'est aussi vivre dans l'angoisse de ne plus savoir quoi dire, c'est vivre dans l'inconfort et l'incertitude. L'horizon d'un écrivain est toujours incertain."
Sur Johnny ....
" Si j'ai choisi d'adopter une narrration un peu compliquée, antéchronologique au suicide, c'est parce je n'avais pas envie d'écrire un roman épistolaire. La lettre de Johnny, je ne voulais pas l'écrire, je ne pouvais pas aller plus loin dans sa tête. Alors je me suis focalisée sur le personnage d'Alice, le plus romancé de mon récit. Johnny est né de ma réalité, il est inspiré de garçons que j'ai connus ou rencontrés, un camarade de classe qui s'est suicidé, un élève de 5è réfugié dans les mots après le décès de son père conducteur routier.Car un auteur est dans tous ses personnages à la fois. Quand je mets un point final à un roman, je suis partagée entre plusieurs sentiments contradictoires. Je suis soulagée d'avoir réussi ce qui est toujours un pari, et en même temps le vague à l'âme m'emporte, je me sens vide, seule, abandonnée par mes amis de fiction qui désormais peupleront l'esprit de mes lecteurs ."
Voir le diaporama réalisé par les élèves :
http://www.kizoa.fr/diaporama/d2420364kP53986629o2/johnny-de-martine-pouchain
Lettre de Johhny à Alice ( écrite par les élèves à partir des expressions du roman de Martine Pouchain)
Alice, là où je vais, il n'y a plus aucune raison pour que je me taise plus longtemps. Je peux enfin t'écrire ce que je n'ai jamais osé te dire.
D'abord, ce n'est pas de ta faute si je suis tombé amoureux de ton sourire. C'est la mienne si je t'ai laissé m'envahir comme un miel sauvage, te répandre dans mes veines, mon coeur, devenir torrent puis rivière et puis mer, immense, où je voulais me noyer.
Parce que j'étais différent, que je ne m'habillais pas comme vous, que je n'écoutais pas les mêmes musiques, vous me tombiez dessus, vous semiez la terreur tout autour de moi, sans crier gare, toi compris. J'étais le bouffon tondu sous les méchancetés, auprès duquel vous vous sentiez si grand, si beau, si fort. J'étais la victime, vous étiez les bourreaux.
Johnny, ramène ta viande;
-Johnny, viens par ici, allez, bouge ton cul.
-Eh, Johnny dégage, c'est ma chaise. Sans blague, t'es né comme ça ou on t'a marché dessus ?
-Je parie que t'as jamais roulé un patin à une fille ? Je parie que t'aimes pas les filles, hein, Rouquemoutte ?
J'étais un contre vous tous, et tu n'as rien dit, rien fait pour prendre ma défense. En faveur de Léo qui ne te voyait pas, tu pardonnais le reste.
D'amour, j'avais soif et faim à n'avoir que les miettes. Trop sans doute. Moi aussi, je ne savais pas doser.
On m'avait donné le plus mauvais rôle dans la pièce. Il ne tenait qu'à moi peut-être d'en changer et de te montrer qui j'étais vraiment. Mais voilà, face à la vague géante des rires défouloirs de la classe, je suis resté bouche bée et mes paroles se sont noyées. Si j'avais eu la carabine de mon père sous la main, j'aurais fait un carton sur le champ.
Mais j'avais des circonstances atténuantes, non ?
Vous étiez comme des chiens à la curée, vous vous repaissiez de mon silence, de ma faiblesse. Cerné par la meute, j'ai hurlé.
La fille que j'aime. Tous ont compris. Toi aussi bien sûr.
De honte, tu as éclaté de rire. La lumière s'est éteinte en moi, une page s'est tournée. Le coup fatal, c'est moi qui le porterai, le dernier mot, c'est moi qui l'écrirai.
Alice, tu comprendras un jour qu'aimer est la plus belle chose qui puisse nous arriver en ce monde. Alors s'il te plaît, laisse mon amour devenir ta bonne étoile, ta nébuleuse, ton petit nuage préféré.
Mon histoire, raconte-la, va voir Martine Pouchain, elle s'exprime comme nous les jeunes d'aujourd'hui et aussi comme les grands auteurs étudiés en classe. Si, si, je t'assure. Elle fera un roman de mon drame, ce qui en empêchera d'autres.
Parti pour toujours, c'est donc pour toujours que je t'aime.
Johnny